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2 UN MAÎTRE : AUGUSTE COMTE

tions. Pour une telle réussite, que d'avortements la- mentables ! Les plus hauts génies, et les saints, et même les héros n'en approchent que de loin.

Un Comte est tout ce que furent ces Conducteurs, et plus encore. Sa pensée n'est pas qu'une vibration des cellules cérébrales. Elle ne s'applique pas à un objet abstrait du tout. Elle est en totalité dans l'uni- versel et pour toujours.

Elle est donc actuelle comme la magnificence d'une cathédrale, ou la majesté de la mer, ou la splendeur du firmament. Mais encore, plus précisé- ment, par-dessus tout, en ce qu'elle seule ranime notre espérance. Car, même avant le plan et les ma- tériaux de la reconstruction, elle avertit de ménager le sol que n'a pas encore subverti le cataclysme, elle forge la volonté de s'y tenir, elle fournit l'arme dé- fensive et l'outil de l'ouvrier.

Dans cette lignée, peut-on fixer un rang à Comte, le mesurer?

Il n'était pas donné à Aristote d'être aussi saint Paul et à celui-ci d'être aussi celui-là. Si Comte est l'un et l'autre, dans la Philosophie, puis dans la Po- litique en s'y surajoutant dans la Synthèse, s'il résume tous ses prédécesseurs, c'est qu'il naît en 1798. Ce n'est pas un miracle. « On ne choisit ni son siècle, ni sa patrie, écrit-il à sa sœur durant la pleine tour- mente sociale de juin 1848; et, à tout prendre, notre temps et notre pays ont, à leur manière, un puissant intérêt. » Et lui-même a caractérisé « l'intime con- nexité » de son « existence avec l'état général de la raison humaine au dix-neuvième siècle ». Tout est humain chez lui. Il n'était l'oint d'aucun Dieu. Ce n'est pas un Messie. G°est le plus grand des hommes.