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122 UN MA.ÎTRE 1 AUGUSTE COMTE

Mais cette ordonnance harmonieuse, on l'entend bien, ne se peut fonder sur l'antagonisme des appé- tits. Il y faut la modération des désirs, l'acceptation allègre de la loi de pauvreté et de travail que la na- ture imposera toujours, et fort heureusement, à la plupart des hommes ; la confiance des dirigés, co- rollaire de la responsabilité des dirigeants ; « la vé- nération des faibles pour les forts », contre-partie du « dévouement des forts pour les faibles ». Comte ajoute : « La principale source de la morale sera dans l'essor à la fois spontané et systématique du sentiment social. » La morale des préceptes, celle du devoir métaphysique, du vague impératif caté- gorique « organise une sorte de mystification où la prétendue disposition permanente de chacun à diri- ger sa conduite d'après l'idée abstraite du devoir aboutirait à l'exploitation de l'espèce par un petit nombre d'habiles charlatans ».

Ce ne sont pas de sournoises adjurations qui apai- seront les conflits de classe. C'est qu'il n'y ait plus de classes, mais des fonctions. Celles du savoir et de l'intelligence, de la richesse, du commandement, du travail. Que les plus grands pouvoirs impliquent les plus grands devoirs, non l'irresponsabilité et l'abus de toutes les jouissances : ils seront moins enviés, et seulement postulés par ceux-là seuls qui sont aptes à les exercer.

Le positivisme n'admet qu'une classe : la grande masse productive du prolétariat agricole et indu- striel. Les intellectuels, les riches, les gouvernants, ne sont que les auxiliaires, d'autant plus précieux qu'ils sont moins nombreux. La bourgeoisie s'est trop accrue, et son parasitisme, qui prend toutes les