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HÉLIKA.

Sur ces entrefaites, Baptiste arriva avec le Normand et les villageois. Tous avaient fait feu mais sans effet pensaient-ils.

Le cadavre du brigand fut identifié par les chasseurs comme celui d’un des compagnons de Paulo. Sa figure était hideuse. Une hotte qui devait servir à transporter Adala était auprès de lui.

Cependant ce dernier acte d’audace avait mis le comble à la terreur des habitants. Éveillés par nos coups de feu tous étaient accourus pour nous secourir ; les uns armés de haches, les autres de fourches, etc., etc., tant on craignait que nous eussions affaire à une bande plus considérable. On n’avait laissé aux maisons que le nombre d’hommes nécessaires en cas d’attaque.

Nous décidâmes de suite de faire une nouvelle battue. Au point du jour le lendemain, nous devions nous mettre en marche pour fouiller avec le plus grand soin les bois d’alentour. Nous espérions qu’un des malfaiteurs, peut-être tous les deux, auraient pu être atteints par les balles et auraient été dans l’impossibilité de fuir bien loin.

Une semaine de recherches minutieuses et dont le cercle était chaque jour agrandi ne put nous faire découvrir d’autre trace qu’une ou deux gouttes de sang dans un fourré ou bien probablement Paulo et compagnie s’étaient arrêtés.

Ces démarches infructueuses mettaient Baptiste au désespoir à cause de l’intérêt extraordinaire qu’il portait à l’enfant d’Angeline et d’Attenousse.

Le Gascon de son côté était inconsolable de la perte de son chien : il n’en parlait qu’en jurant comme un païen. Il aurait voulu être le diable en personne pour faire griller le couquin, tant il redoutait la reconnaissance de sa Majesté Fourchue en faveur d’un misérable qui l’avait toujours si bien servi de son vivant.

Le Normand lui accusait piteusement son peu de chance de ce qu’il était né un vendredi et sous une mauvaise étoile.

Cependant j’étais dévoré d’inquiétude. Je connaissais trop bien la scélératesse de Paulo, son caractère haineux et vindicatif pour ne pas être assuré que tôt ou tard, il tenterait une revanche éclatante.

Je n’osais donc plus m’éloigner de la maison et laisser Adala d’un seul pas. Je la conduisais par la main dans mes courses journalières. Si je sortais en voiture, je la faisais asseoir à côté de moi. La nuit, son petit lit était placé tout près du mien. Je passais des heures entières à la regarder dormir essayant à deviner chacune de ses pensées. Quand je voyais ses lèvres roses s’agiter et laisser échapper un sourire, je me demandais si elle ne causait en songe avec sa mère ou avec les anges ses petits frères. J’ajustais ses cou-