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HÉLIKA.

douter un instant qu’il ne remplît scrupuleusement le rôle important que je lui avais confié.

Cependant ce calme apparent était bien loin de me faire prendre le change. J’étais trop au fait des habitudes sauvages pour ne pas voir dans ce repos une ruse afin de mieux nous surprendre plus tard, aussi avais-je pris mes précautions en conséquence.

Enfin le soir de la vingtième journée, j’étais assis sur le seuil de la porte lorsque le cri du merle siffleur se fit entendre ; c’était le signal convenu. Je tressaillis involontairement. J’ordonnai à la vieille de fermer les contrevents, de barricader les portes et de n’ouvrir qu’à ma voix ; puis je me dirigeai précipitamment vers l’endroit d’où était parti le cri. Je ne m’étais pas trompé, ce signal venait d’un des compagnons de Baptiste. C’était le Gascon qu’il m’expédiait. Il m’informa que les trois bandits s’étaient occupés de chasse et de pêche, ils avaient fumé les viandes et les poissons comme s’ils se fussent préparés à un long voyage. Ils avaient de plus confectionné un léger canot d’écorce sur la rivière St. Jean et avaient déposé des provisions de distance en distance en descendant vers le village de Ste. Anne. Baptiste me faisait dire de plus qu’ils avaient préparé une hotte dont la destination était évidente. Il était d’opinion que cette nuit même, ils frapperaient le coup décisif ; puisqu’ils n’étaient qu’à deux lieues à peine des habitations. Je devais donc me tenir sur mes gardes pendant qu’eux-mêmes ne seraient pas loin.

Je fis prévenir six des hommes les plus déterminés et intelligents de mon voisinage et les disposai de manière que leur présence fut parfaitement dissimulée. D’après mes instructions, ils ne devaient tirer qu’au premier commandement.

J’oubliai par malheur de faire la même recommandation au Gascon éloigné d’environ trois cents verges de la maison où je m’étais embusqué.


CHAPITRE XX

tentative et attaque.


Une nuit des plus sombres enveloppa bientôt la demeure et tous les alentours. Un silence parfait régnait dans toute la campagne. Le temps était à l’orage ; parfois un éclair illuminait la nue et venait en serpentant se perdre dans un endroit désert : Le tonnerre