Page:Deguise - Hélika, mémoire d'un vieux maître d'école, 1872.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
HÉLIKA.

et ses yeux tournés vers le ciel. Un instant après que nous eûmes fini de prier, une légère teinte parut colorer ses joues : « J’y vais, j’y vais », prononça-t-elle comme si elle se fut adressée à quelqu’être surnaturel et ce fut tout !!!…

En ce moment, Adala s’éveilla en souriant et demanda sa mère, elle tendit ses bras vers elle et l’embrassa en l’appelant. Hélas sa pauvre mère n’était plus qu’un cadavre !

Deux jours après, Angeline fut déposée dans sa dernière demeure où elle dort encore aujourd’hui sous un gazon émaillé de fleurs sauvages en attendant le jour où nous nous réunirons. Une pauvre croix de pierre sur laquelle est gravé son nom, avertit le passant indifférent qui foule les tombes du cimetière, qu’elle repose là.

Quand la cérémonie funèbre fut terminée, je pris Adala dans mes bras, la pressai sur ma poitrine et lui dis avec transport : « Oh non, mon Adala, tu ne resteras pas orpheline, car désormais tu seras ma seule richesse, mon seul bonheur. »


CHAPITRE XIX

trois trappeurs. — une vieille connaissance.


J’avais adopté l’enfant comme la mienne et la grand-mère qui demeurait avec moi en prenait un soin tout particulier.

L’intérêt de mon argent fournissait amplement aux besoins de la famille, et nous vivions heureux.

Je passai tout l’été auprès de mes protégées, mais les premières bordées de neige firent renaître en moi un désir irrépressible de la chasse dans les endroits où ma vie s’était en partie écoulée.

Adala avait, pendant ce temps, supporté les maladies auxquelles les enfants de son âge sont sujets ; grâce aux bons soins du médecin et de ceux que nous lui prodiguâmes, elle était revenue à la santé.

J’avais conçu des soupçons sur le caractère de la femme qui avait raconté à Angeline la mort tragique de son mari. Je reconnaissais là, dans toutes ces informations, une malveillance dictée par une intelligence plus forte que ne possédait la femme en question. Je fus aussi frappé de cette histoire du cousin qui l’avait mis parfaitement au fait d’une circonstance intime de notre vie.

Depuis quelques jours, on m’informait que trois sauvages, après avoir rôdé longtemps dans les bois, étaient disparus subitement et sans qu’on sût quel côté ils avaient pris : de là grande inquiétude parmi mes voisins, car ils s’étaient livrés à des vols, à des rapines,