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HÉLIKA.

lueur d’amélioration se faisait entrevoir je redoublais, s’il était possible, mes soins et ma sollicitude. La mère et moi nous étions constamment à son chevet dans un morne silence troublé seulement par la respiration haletante de la mourante et le tictac de l’horloge dont l’aiguille, comme le doigt de l’inexorable destin, nous montre à chaque seconde que nous avons fait un pas vers l’éternité.

Les regards de la malheureuse mère, chargés de tristesse, rencontraient parfois les miens et nous baissions la tête comme si nous eussions craint de laisser apercevoir les sentiments de souffrances auxquels nos cœurs étaient en proie.

Le soir de la troisième journée tout parut renaître à l’espérance, l’état de la malade nous semblait s’être considérablement amélioré. Tout joyeux, je me livrais à l’espoir et de suite j’envoyai quérir le médecin.

Nous sommes toujours si heureux d’espérer même lorsque tout est perdu.

Il arriva en toute hâte, prit le pouls de la malade, ausculta sa poitrine, lui dit quelques paroles d’encouragement puis me faisant signe de l’accompagner à la porte : « Le soleil de demain, me dit-il, ne la trouvera pas vivante. »

Dans la soirée, elle reçut tous ses derniers sacrements. Vers minuit, je vis que le moment fatal approchait mais j’avais un dernier devoir à remplir et je résolus de le faire avec toute l’énergie que j’avais mis autrefois à faire le mal. C’était un pardon que je voulais obtenir, car je ne me dissimulais pas que si j’avais abandonné la voie du crime, c’était dû aux prières de mes bons parents, de mes sœurs et d’Angeline.

Après que son action de grâces fut finie, je priai l’assistance de se retirer et prosterné, la face contre terre, je demandai pardon à mon enfant pour tout ce que je lui avais fait endurer à elle-même, lui racontai l’histoire de son enlèvement et les souffrances atroces qu’enduraient ses parents par sa disparition.

J’attendais les paroles qu’elle allait prononcer comme un criminel qui doit recevoir sa sentence.

« Père, me dit-elle après un moment de silence, viens m’embrasser. Je remets entre tes mains Adala, c’est mon trésor, c’est ma vie que je te confie. »

Telles furent les dernières paroles que j’entendis de sa bouche angélique.

Je fis ensuite rentrer les assistants. La respiration de la mourante devenait de plus en plus oppressée, ses lèvres seules remuaient pour répondre aux prières des agonisants. Ses mains étaient jointes