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HÉLIKA.

s’en aperçût. Je saisis donc Angeline par la main et me précipitai vers la porte : « À nous deux, à présent, lui dis-je, bien que la malheureuse victime répétât encore « ma mère, oh ! ma mère », et qu’elle étouffa dans ses sanglots.


CHAPITRE XII.

les yeux de marguerite.


Lorsque je quittai la demeure d’Octave, tout occupé que j’étais à poursuivre mes idées diaboliques de vengeance jusque sur Angeline, je n’avais pas remarqué un tout jeune homme qui avait observé avec une attention extraordinaire, comme je pus m’en convaincre plus tard, ce qui venait de se passer. Il était doué d’une perspicacité bien rare. Sans doute qu’il analysa tout ce qu’il y avait d’horreur et de reproches dans les terribles yeux de Marguerite lorsqu’ils se fixèrent sur moi, et qu’elle m’eut reconnu ainsi que son enfant.

Vraiment l’ange de la vengeance ne saurait avoir lors du jugement dernier rien de plus affreux, de plus implacable que n’eut ce regard. Malgré tout l’empire que j’avais sur moi, et les efforts que je fis pour le dissimuler, la terreur et l’épouvante qu’il me causa ne lui avaient pas échappé. Sans aucune défiance, je pris le chemin des bois, tressaillant de plaisir au souvenir des succès inespérés que j’avais obtenus, et méditant de nouveaux projets aussi exécrables contre Angeline. Une chose toutefois me revenait à l’esprit et me causait intérieurement un malaise indéfinissable, c’était ce regard si terrible qui m’effrayait autant qu’une apparition d’outre-tombe.

Tant que le permirent les forces de l’enfant, nous marchâmes sans prendre un instant de repos et aussi vite qu’il était possible. Vers la fin de la journée, je fus obligé d’entreprendre de la porter jusqu’à une hutte que je savais être sur la lisière des bois et où j’avais décidé de passer la nuit.

Le sentier que j’avais choisi pour revenir, n’était pas le même que j’avais suivi les jours précédents. Autant le premier était rempli de vie, de clarté et de fraîcheur sous le couvert des grands arbres, autant celui-ci était triste, et désolé. Je l’avais préféré parce qu’il abrégeait notre route. Il serpentait à travers des savanes et des fondrières à perte de vue. Quelques mousses brûlées, quelques arbres rabougris épars çà et là, faisaient contraste avec les magnifiques chênes qui bordaient le premier. À part quelques cou-