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HÉLIKA.

et arrivâmes un soir dans un village montagnais. Ces sauvages avaient été nos alliés pendant presque toute la guerre que nous venions de soutenir ; et leurs chefs me reçurent avec les plus grandes acclamations de joie. Dans la tribu, je connaissais une vieille indienne idolâtre qui avait conservé contre les blancs une haine implacable. Ce fut entre ses mains que je déposai Angéline, en lui donnant de l’or, beaucoup d’or, et lui promettant le double si je la retrouvais vivante lorsque, dans quatre ans, je reviendrais la chercher. La part des pillages qui me revenait comme chef, dans les guerres qui avaient eu lieu était très considérable, leur vente m’avait mis en mains de grandes valeurs en argent. Cette femme était cupide et méchante, et je ne doutais pas qu’entre ses mains l’enfant aurait tout à souffrir.

Je passai quelques jours au milieu des montagnais, et vins rejoindre ensuite la tribu huronne à l’endroit où je l’avais laissée. Grâce à la paix qui avait été faite, un commerce étendu s’était établi entre les colonies françaises et anglaises, je m’engageai comme guide conduisant les caravanes, quelquefois aussi je faisais le métier de trappeur. Ces deux états augmentèrent beaucoup pendant quatre années les sommes que j’avais amassées.


CHAPITRE IX

plaisirs de la vengeance.


Douze mois après les événements que je viens de relater, sous un déguisement qui me rendait méconnaissable, je m’approchai de la demeure d’Octave et Marguerite, pour m’assurer par moi-même si la douleur que je leur faisais endurer, pouvait satisfaire la haine que je leur portais.

Non jamais le tigre altéré du sang de sa victime, n’éprouve un plus grand plaisir, lorsqu’il la tient dans ses griffes, que celui que me causa la scène que je vais décrire.

La nuit était déjà avancée quand je frappai à leur porte et demandai l’hospitalité. On me l’accorda de tout cœur. Aussitôt après la vieille servante que je reconnus pour celle aux soins de laquelle l’enfant avait été confiée, dressa la table sur l’ordre d’Octave, que j’eus de la peine à reconnaître tant il était changé. Mais je refusai de manger et allai m’asseoir dans le coin le plus obscur de la salle : j’avais bien autre chose à faire que de prendre de la nourriture.