ainsi jusqu’au temps présent. Elle m’écouta d’abord avec plaisir, ne sachant où je voulais en venir. Mais bientôt mes paroles devinrent plus significatives et plus pressantes. Lorsque je lui exprimai en termes brûlants combien je l’aimais, quels étaient les rêves de bonheur que j’avais fondés sur son amour et son union avec moi, elle rougit, puis pâlit au point que je crus qu’elle allait défaillir. Je lui fis ensuite le tableau de mes souffrances passées et de mon désespoir si elle refusait de se rendre à mes vœux. Alors des larmes abondantes glissèrent sur ses joues, mais elle ne me répondit pas. Je redoublai d’instances, tout mon cœur, toute mon âme, tout mon amour passèrent dans mes paroles, elles devaient tomber sur son cœur de glace comme des gouttes de feu. Insensé, j’espérai un instant qu’elle aurait pitié de moi et se laisserait fléchir, mais ce ne fut qu’un éclair.
« Jugez de ce que je devins, lorsque me prenant les deux mains et m’enveloppant de son regard si doux et si caressant elle me dit en pleurant : " Le ciel m’est à témoin que je donnerais la plus grande part du bonheur qu’il me destine pour vous savoir heureux. Mais pour vous appartenir je manquerais au serment que j’ai fait à un autre devant Dieu, je manquerais de plus aux cris de ma conscience et à la voix de mon cœur ; car je ne vous cacherai pas que je suis fiancée à Octave et que dans peu de jours nous serons irrévocablement unis. " Je ne sais quelle transformation se fit dans ma figure, si elle eut peur de l’expression de mes traits ou de l’effet de ses paroles ; mais en levant les yeux sur moi elle recula de quelques pas.
" Pourquoi ajouta-t-elle tristement, faut-il que je vous cause du chagrin ? Une autre vous comprendra mieux que je ne le puis faire, car elle sera plus que moi à la hauteur de votre intelligence et vous serez heureux avec elle. Octave et moi vous avons désigné une place au coin du feu où vous viendrez vous asseoir bien souvent, nous causerons, nous nous amuserons et nous nous occuperons de vous trouver une épouse digne de vous. "
« Tels furent les derniers mots qu’elle m’adressa en me pressant affectueusement la main. Elle était toute émue et tremblante, je la voyais pleurer et j’avais l’enfer dans le cœur ; c’est ainsi que nous nous quittâmes.
« Je passai le peu de jours qui suivirent cet entretien et précédèrent leur union dans des transports de rage et de jalousie inexprimables. Mes parents crurent véritablement que je devenais fou furieux.
« Cependant, ainsi qu’elle me l’avait dit, huit jours après, la tête brûlante, la figure affreusement contractée, j’entendis à l’abri