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HÉLIKA.

de toutes sortes que ce saint prêtre n’eût entendus de leurs bouches et soufferts avec une patience et une douceur angéliques.

Mais je tire le rideau sur ce hideux tableau pour revenir au plus vite à ma chère enfant.


CHAPITRE XXV

vie intime.


Quoiqu’il m’en coûtât beaucoup d’être pour plusieurs années séparé d’Adala, il me fallait en faire le sacrifice. Aussi, autant par goût que par un besoin de distraction et de mouvement, je repris avec mes amis la vie de coureur des bois.

J’étais parfaitement tranquille au sujet de ma fille chérie, je savais qu’elle trouverait auprès de mes bonnes sœurs tout le bonheur possible. Pour lui éviter des chagrins que ma vue aurait pu lui causer, je résolus de ne l’aller voir que dans trois ans, mais je me proposai de lui écrire deux fois par année quoique je fusse convaincu qu’elle était incapable de m’oublier.

Nos préparatifs de départ ne furent pas longs et nous partîmes bien décidés à ne plus nous séparer et à partager à chaque retour au poste les profits de notre chasse.

Il est inutile de vous raconter cette vie de coureur des bois que tout le monde connait. Qu’il me suffise de dire que nos chasses furent assez fructueuses et que je passai les cinq années qui suivirent dans un calme et une tranquillité d’esprit que je n’avais pas encore connus.

Le spectacle continuel de la nature dans toute sa beauté primitive, les courses dans les bois et la préparation de nos pelleteries faisaient le charme de nos journées. Puis le soir arrivé nous nous trouvions réunis autour d’un bon feu et les histoires et la gaieté intarissable du Normand et du Gascon, embellissaient nos soirées.

Les trois années que je m’étais condamné à passer sans embrasser Adala, étaient expirées, je résolus de me rendre à Québec. Grande fut la joie de mes sœurs et de la petite en me voyant.

L’enfant s’était admirablement développée, et avait considérablement grandi. Elle ne savait que faire pour me témoigner son bonheur. Elle riait, pleurait, dansait, venait sauter sur mes genoux et m’embrassait. Combien j’étais heureux de tous ces témoignages d’amour. Non je ne les eus pas changés pour tous les trésors de la terre.