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HÉLIKA.

plus rien de terrestre à me dire, au moment où son âme allait s’envoler vers le ciel et après la confession que je lui avais faite : « Père, viens m’embrasser. Je te confie mon enfant, mon Adala. »

Ce dernier nom a un effet magique. Il m’éveille comme d’un affreux cauchemar et la chère petite lettre d’Adala est là devant moi qui semble me sourire et m’inviter à l’ouvrir.

Je la saisis avec émotion, je la tourne et retourne en tout sens avant que d’en faire sauter le cachet. J’embrasse ce papier que sa main a touché. Il faut que j’attende quelques instants avant que de pouvoir distinguer l’écriture, tant les larmes obscurcissent mes yeux.

« Mon bon et cher grand papa ; me dit-elle, voilà déjà plus de quatre mois que je ne t’ai vu et pourtant je n’ai pas passé un seul instant sans penser à toi. Je me suis bien ennuyée et je m’ennuie encore beaucoup de ne pouvoir plus m’asseoir sur tes genoux et t’embrasser. »

« Je n’ai pas non plus oublié toutes les belles histoires que tu me racontais. Il y en avait de tristes si tu t’en souviens, qui me faisaient pleurer, mais quand tu me voyais tout en larmes, tu m’en disais de si drôles que j’en ris encore rien qu’à y penser. »

« Mais ce que je ne comprenais pas et ne comprends pas encore aujourd’hui, c’est que quand tu me voyais si folle, tes yeux se mouillaient de larmes. J’avais bien peur que ce ne fut quelque chagrin que je te causais et tu étais trop bon pour me dire en quoi je t’affligeais. Je suis aujourd’hui bien plus raisonnable que je ne l’étais alors et j’ai bien hâte de te revoir pour te demander pardon. »

« J’espère, mon bon grand-papa, que tu prends toujours un bon soin de ta santé car si j’apprenais que tu es malade ou qu’il te fût arrivé quoique malheur, je crois que j’en mourrais. »

« Je me propose quand je te reverrai de te gronder bien fort de ce que tu ne m’écris pas. »

« Je suis à présent une grande fille. Les bonnes religieuses me disent qu’elles sont très contentes de mes succès. Elles ont pour moi toute espèce de bontés. »

« La mère supérieure et l’assistante me font souvent venir dans leurs chambres. Elles m’embrassent, me chargent de bonbons, mais je ne sais pourquoi elles ont l’air triste elles aussi quand elles me parlent. Je n’ai pas besoin de rien demander, elles préviennent mes moindres désirs et me disent que c’est toi qui leur as donné l’argent pour y pourvoir. ».

« Je t’embrasse beaucoup pour te remercier de toutes tes prévenances et je vais m’appliquer bien fort pour finir mes études