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HÉLIKA.

ments. Nous comprîmes de suite, en les entendant qu’ils devaient avoir commis une action diabolique. Nous sommes tous accourus à son aide, mais avec une douce autorité il nous a priés de nous retirer, puis tournant vers les deux bandits un regard chargé de larmes il leur a adressé à tous deux dans leur langue des paroles d’une douceur ineffable, mais les démons ne voulurent seulement pas l’entendre. Alors le saint prêtre s’est agenouillé et à longtemps prié pour eux. Cette prière du juste devait monter vers le ciel comme un parfum céleste, ils avaient comblé sans doute la mesure de leurs crimes car Dieu a paru leur refuser les trésors de sa miséricorde. »

« Voilà, Chef, ce que j’ai à vous raconter de ce qui s’est passé jusqu’à l’arrivée de Mr. Odillon. Il m’a annoncé qu’il était chargé de continuer le journal que j’ai commencé. Il ne me reste plus qu’à ajouter que l’air de plus en plus abattu et découragé du saint homme, me fait augurer très mal du résultat de sa divine mission. »

« Si je ne craignais de vous contrister davantage vu que vous semblez leur porter de l’intérêt, qu’ils sont loin de mériter, je vous l’assure, je vous avouerais que les gardiens et moi qui sommes préposés à la garde de malfaiteurs, meurtriers, de bandits de toute espèce, nous n’avons rien rencontré qui peut approcher de la méchanceté et de la scélératesse de ces deux brigands. »

« Agréez, Chef, l’assurance de la haute considération avec laquelle,

« je suis votre dévoué. »
« Gaspard »
« Geôlier de la prison de Québec, »
(Québec, 14 Septembre.)

Bien que je n’aie passé que peu de temps à causer avec le geôlier, j’ai reconnu en lui le type de l’honnête homme qui bien qu’énergique et ami de son devoir, sait tempérer les rigueurs de la prison par tous les moyens dont il peut disposer. Je le sais doué, de plus, d’un sens droit, d’un esprit expérimenté et observateur.

Je ne puis donc me défendre d’un frémissement en songeant au dénouement du drame sinistre qui va se dérouler, et dont j’entrevois la fin affreuse ; aussi est-ce en tremblant que je prends le journal de monsieur Odillon. Je lis d’abord la lettre qu’il m’adresse le jour de l’exécution.

« Septembre 20, À midi »
« Mon cher frère, »

« Enfin le drame est terminé ! Il y a une heure, je voyais dispa-