rayons du soleil ne caressent que mollement avant que d’arriver à moi. J’ouvre le cahier et je lis le rapport et la lettre du geôlier : La voici.
« En réponse à la demande que vous m’en avez faite, je vous rends compte aujourd’hui de la manière dont les prisonniers se sont conduits depuis leur condamnation. Après le prononcé de leur jugement et l’assurance que la cour leur donna qu’ils n’avaient aucune miséricorde à espérer des hommes et qu’ils devaient se préparer à paraître devant Dieu le 20 du courant, ils ont échangé ensemble quelques mots de fureur que nous n’avons pu saisir parce qu’ils étaient dits dans une langue que personne ne comprend. »
« Du 12 au 13, ils ont passé une nuit affreuse de même que tous leurs jours et nuits depuis leur retour à la prison. Ils ont cherché à s’élancer l’un contre l’autre dans des transports indicibles de rage ; un gardien de la prison s’est approché d’eux pour essayer à les apaiser, mais ils se sont précipités sur lui avec la férocité de tigres altérés de sang. Malheureusement il était à portée de leurs atteintes et sans le prompt secours d’autres gardiens, il eût été impitoyablement massacré par ces deux monstres. Leurs chaînes sont solides, Dieu merci, ils ne peuvent s’atteindre, car ils s’éventreraient, tant grande est la fureur qui les anime l’un contre l’autre. Je regrette d’avoir à ajouter que leur conduite loin de s’améliorer parait augmenter en férocité d’un instant à l’autre. L’aumônier de la prison est venu plusieurs fois tenter tous les efforts possibles pour les calmer. Il a essayé à leur faire entendre des paroles de paix, mais ils lui ont répondu par d’épouvantables imprécations. Le prêtre en est sorti chaque fois de plus en plus contristé. »
« Enfin, ce soir, le 14, le vénérable abbé dont vous m’avez parlé, est arrivé et de suite il s’est installé auprès des prisonniers. Il m’a prié de le laisser seul avec eux. Quelle figure imposante, quelle douceur se reflète sur chacun de ses traits ! Sa voix est douce et pleine d’une onction à laquelle il est difficile de résister. Il s’est approché d’eux en leur tendant la main avec bonté et en leur adressant à chacun des paroles de consolation, mais les monstres, au lieu d’embrasser avec vénération la main que ce saint apôtre leur tendait, se sont rués sur lui et l’ont envoyé rouler sur la muraille où sa tête a été se heurter. Il s’est relevé avec calme, a tiré son mouchoir de sa poche et a essuyé le sang qui ruisselait de son front sur sa figure par la blessure qu’il s’était faite en tombant. Pendant ce temps, les deux scélérats poussaient d’horribles ricane-