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HÉLIKA.

restes rendus à la terre, nous dressâmes sur sa tombe un petit mausolée de pierre brute et nous le fîmes surmonter d’une croix de bois. Son nom y fut gravé avec ces trois mots « repose en paix ».

Nous creusâmes aussi une tombe commune à quelque distance de celle du Canadien, aux quatre bandits, les associés et les complices de Paulo. Les misérables avaient conservé jusqu’au moment où la terre les recouvrit leur air de défi et de férocité tel que nous l’avons décrit déjà plus haut.

Il nous fallut passer au-delà d’un mois dans les bois pour permettre à nos blessés de se guérir et de reprendre quelques forces avant que de nous mettre en route. Paulo et son digne séide étaient l’objet de notre part d’une extrême surveillance. Quatre à cinq fois, jour et nuit, leurs liens étaient minutieusement examinés et bien nous en prit, car plus d’une fois nous pûmes constater qu’ils faisaient des efforts surhumains pour s’en délivrer. Quoique entièrement en notre pouvoir, jamais ils ne perdaient une occasion de nous accabler de leurs insultes les plus ignobles, soit que nous leur donnassions à manger ou que nous pansassions leurs plaies.

Enfin l’état des malades devint des plus satisfaisant, les blessures se guérirent comme par enchantement tant le mal avait peu de prise sur ces charpentes granitiques.

Un mois après cette lutte gigantesque, où nous nous étions pris corps à corps avec de véritables lions pour la force et de vrais tigres pour la férocité, nous décidâmes de nous mettre en route.

Avant que de partir, nous allâmes nous agenouiller sur la tombe de notre malheureux ami, puis nous fîmes nos préparatifs de voyage et nous prîmes le chemin des habitations.

Baptiste ouvrait la marche avec le Normand, Paulo et son complice, liés de manière à ce qu’ils ne pussent s’échapper ni faire aucune de leurs tentatives diaboliques contre nous, formait le centre avec le Gascon, j’étais à l’arrière-garde.

Nous mîmes six jours avant de pouvoir atteindre le village de Ste Anne, la faiblesse des blessés ne nous permettait pas d’avancer plus vite. Enfin lorsque nous débouchâmes du bois, toute la paroisse était accourue pour nous recevoir.

Ils avaient appris notre arrivée par un chasseur que nous avions rencontré et qui avait pris les devants. Les remerciements pleins de gratitude et d’effusion que ces braves gens nous firent sont encore présents à ma mémoire. Leurs yeux se mouillèrent de larmes en entendant le récit de la mort de notre malheureux ami et les circonstances dans lesquelles il avait reçu le coup fatal.

Les victimes des deux monstres les identifièrent parfaitement et ce fut en frémissant qu’elles s’approchèrent d’eux pour les recon-