Page:Deguise - Hélika, mémoire d'un vieux maître d'école, 1872.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
HÉLIKA.

— Pardon, madame, lui répondis-je, mais il me semblait retrouver en vos personnes deux sœurs que j’ai perdues bien jeunes. Vos traits me les rappelaient. C’est ce qui m’impressionnait si fortement.

— Hélas ! dit la supérieure, nous avions nous aussi un frère qui a déserté le toit paternel poussé par le désespoir et nous n’en avons jamais eu de nouvelles.

À ces paroles, je me levai brusquement et m’approchai d’elles. Elles se reculèrent instinctivement.

— N’êtes-vous pas, leur dis-je, du village de… Elles parurent très surprises et me regardèrent toutes deux fixement.

J’ai oublié de dire que je portais le costume et le tatouage d’un chef sauvage de premier ordre.

Elles me répondirent affirmativement.

— Encore une question, mesdames, s’il vous plait. Votre nom n’est-il pas Hélène et Marguerite D… ?

— Oui, répondirent-elles en me regardant d’un air stupéfait.

— Ô Mon Dieu, m’écriai-je alors dans un élan de reconnaissance, Hélène et Marguerite ! mes deux sœurs ! je suis votre frère, et je leur tendis les bras.

Je crus réellement qu’elles allaient défaillir toutes deux à ces paroles.

— Mais, dirent-elles, d’une voix tremblante, notre frère n’était pas indien.

En deux mots, je leur rappelai quelques circonstances de notre enfance et nous tombâmes dans les bras les uns des autres. Elles riaient, pleuraient, me pressaient de questions et quand elles se furent calmées, vous pensez bien avec quel empressement je demandai des détails sur mes bons parents.

Elles me racontèrent que mon père, après s’être épuisé en recherches de toutes sortes, avait fini par croire fermement à ma mort ; mais ma mère, la bonne et sainte femme, assurait que je reviendrais. Tous les soirs, une prière se faisait en commun pour mon retour et dans la journée, ma mère allait s’enfermer dans ma chambre où rien n’avait été changé depuis mon départ et là elle priait et pleurait des heures entières.

Elles me dirent de plus comment Marguerite avait reconnu son enfant et comment on m’avait soupçonné d’être l’auteur de l’enlèvement, ce que peu de personnes avaient cru. Elles ajoutèrent que la vieille était notre ancienne Rosalie, qui aussi avait pleuré sur mon sort.

Enfin après plusieurs heures d’une intime causerie, je leur fis les adieux les plus touchants et je pris congé d’elles. Je leur donnai mes dernières instructions et leur laissai une forte somme d’argent pour pourvoir à la pension et aux besoins d’Adala. Je pressai cette