Page:Deguise - Hélika, mémoire d'un vieux maître d'école, 1872.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
HÉLIKA.

« Hélika est bien malade, dit-il, l’enfant des bois cherche du secours. Nos coups de feu à la chasse de tantôt l’ont effrayée. Elle a craint de rencontrer quelques pirates des bois ; voilà pourquoi elle s’est retirée sur l’autre rive et vous supplie d’arriver au plus vite. C’est Hélika qui l’envoie vous chercher ; elle se fut rendue jusqu’à votre presbytère, si elle n’avait rencontré personne pour remplir son message auprès de vous. Hélika est gisant dans sa cabane sur son lit de mort, et il désire ardemment vous voir. Elle retourne immédiatement auprès de lui, avec l’espoir que nous la suivrons de près. Si vous n’êtes pas trop fatigué, mon bon monsieur, nous allons tous deux nous remettre en marche, pendant que les autres guides dresseront des campements pour la nuit à vos jeunes compagnons. Demain, je les attendrai sur les bords du lac avec des canots. Le prêtre et Baptiste partirent immédiatement.

« La veillée se passa en conjectures. Cet incident nous avait singulièrement intrigués, parce qu’aucun des guides qui nous restaient ne pouvait donner des renseignements précis sur le nom et l’origine de la jeune fille. Tout ce qu’ils nous apprirent, ce fut qu’ils l’avaient bien souvent rencontrée dans les bois, toujours accompagnée d’un vieillard d’une haute stature, qui paraissait lui porter un amour et une sollicitude véritablement paternels. Bien plus, son attention pour elle, et ses soins étaient ceux de la mère la plus tendre. Ils ajoutaient aussi, qu’esclave de tous ses désirs, il venait de temps en temps dans le village y séjourner aussi longtemps qu’elle le voulait. Il y prenait les meilleurs logements ; mais les seules visites qu’ils faisaient ou recevaient, étaient celles de monsieur Fameux. Il la conduisait dans les magasins, ne regardait jamais au prix des étoffes qu’elle choisissait, suivant ses caprices, le prix en fût-il très élevé.

« L’un d’eux assurait même avoir entendu monsieur Fameux dire au père, tel était le nom du vieux sauvage : je suis heureux de voir combien vous vous donnez de peine pour former l’éducation de votre chère Adala, et combien elle répond admirablement à vos efforts, elle parle et écrit aujourd’hui parfaitement le français.

« Il y avait certes dans ces informations, matière plus que suffisante pour piquer notre curiosité déjà excitée à l’extrême. Malgré notre fatigue, nous mîmes longtemps avant de nous endormir tous, faisant des suppositions plus ou moins ridicules ou extravagantes.

« De bonne heure, le lendemain matin, nous étions en route,