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de ma vie que je fis une prière ; car je priai alors avec le sentiment de ma misère, et avec une espérance toute biblique fondée sur la parole consolante de Dieu, et dès lors je conçus l’espoir qu’il m’exaucerait… Je puis affirmer par ma propre expérience qu’un cœur rempli de paix, de reconnaissance, d’amour et d’affection, est beaucoup plus propre à la prière qu’un cœur plein de terreur et de confusion ; et que ; sous la crainte d’un malheur prochain, un homme n’est pas plus capable d’accomplir ses devoirs envers Dieu qu’il n’est capable de repentance sur le lit de mort… Je n’oubliai pas de me recommander avec ferveur à la protection divine, et de supplier Dieu de me délivrer des mains des barbares. » (Tome Ier, pages 148, 149, 252, 278.)

Venons maintenant à Silvio Pellico. « Un jour, ayant lu qu’il faut prier sans cesse et que la véritable prière ne consiste pas à marmotter beaucoup de paroles à la façon des payens, mais à adorer Dieu avec simplicité, tant en paroles qu’en actions, et à faire que les unes et les autres soient l’accomplissement de sa sainte volonté, je me proposai de commencer sérieusement cette incessante prière de toutes les heures, à savoir de ne plus me permettre même une seule pensée qui ne fût inspirée par le désir de me conformer aux décrets de Dieu… Je me prosternai à terre, et avec une ferveur que je ne m’étais jamais sentie j’adressai à Dieu cette courte prière : mon Dieu, j’accepte tout de ta main ; mais prodigue ta force aux cœurs à qui j’étais nécessaire, que je cesse de leur être tel, et que la vie d’aucun d’eux ne s’abrège pour cela d’un seul jour. Ô bienfait de la prière ! je restai plusieurs heures l’âme élevée à Dieu, et ma confiance croissait à mesure que je méditais sur la bonté divine, à mesure que je méditais sur la grandeur de l’âme humaine quand elle échappe à l’égoïsme et s’interdit toute autre Sagesse. » (Mes Prisons, tome I, pag. 67 et 123.)

Ce serait un phénomène inexplicable qu’une âme pénétrée de respect et d’amour pour le Christianisme n’en parlât pas avec le transport qu’elle éprouve. Ah ! c’est alors que la bouche parle de l’abondance du cœur, et que les convictions se manifestent de la manière la moins équivoque. Robinson Crusoé en est la preuve la plus sensible. Soyons attentifs à cet éloge court et substantiel des bienfaits du christianisme. « Preuve nouvelle de ce que j’ai souvent observé, que la religion chrétienne, partout où elle est reçue, civilise toujours les hommes et réforme leurs mœurs, qu’elle opère ou non leur sanctification. » (Tome II, page 358.)

Silvio Pellico ne demeure point en reste à cet égard. « Le Christianisme est philosophique au plus haut degré, et les hommes se débattent en vain pour sortir de son cercle magique, de son cercle divin… Le Christianisme fut et sera toujours la doctrine du bienfait, appuyée sur les principes les plus rationnels, et unie à un culte simple et sage. Le christianisme, source de toute vertu dans la Judée, où il est né, dans le monde payen, où il s’est établi, et dans la barbarie du moyen-âge, qu’il a traversée, ne sera pas moins fécond dans des temps plus éclairés et mieux en harmonie avec lui… Je le louai de cette franchise dont il disait faire profession ; je lui protestai qu’en cela je l’égalerais, et j’ajoutai que, pour lui en donner une preuve, je me faisais fort de me constituer le champion du Christianisme, bien convaincu, disais-je, que si je suis toujours prêt à écouter amicalement toutes vos opinions, vous aurez de votre côté la générosité d’écouter tranquillement les miennes. Cette apologie, je me proposais de la faire peu à peu, et je commençais, en attendant, par une analyse fidèle de l’essence du Christianisme : — Culte de Dieu dépouillé de toute superstition. — Fraternité entre les hommes. — Aspiration perpétuelle à la vertu. — Humilité sans bassesse. — Dignité sans orgueil. — Et pour type un Homme-Dieu ! Quoi de plus philosophique et de plus grand ! » (Mes Prisons, tome 1er, pages 29 et 263.)

On ne peut se défendre d’admirer la solidité avec laquelle Robinson Crusoé établit ce dogme sacré de la Providence, les fins qu’elle se propose et l’ordre avec lequel elle régit les événements de ce monde (tome II, page 110). Rien ne se dérobe à ses regards vigilants, qui sondent les abymes ; rien ne peut arrêter son incessante activité ; elle ordonne toutes choses pour le mieux, elle gouverne le monde avec le même pouvoir et la