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plutôt un capuchon, avec un trou simplement pour la bouche et deux trous pour les yeux. Le faible jour que nous eûmes pendant trois mois ne durait pas, calcul fait, au-delà de cinq heures, six tout au plus ; seulement le sol étant continuellement couvert de neige et le temps assez clair, l’obscurité n’était jamais profonde. Nos chevaux étaient gardés ou plutôt affamés sous terre, et quant à nos valets, car nous en avions loué pour prendre soin de nous et de nos montures, il nous fallait à chaque instant panser et faire dégeler leurs doigts ou leurs orteils, de peur qu’ils ne restassent perclus.

Dans l’intérieur à vrai dire nous avions chaud, les maisons étant closes, les murailles épaisses, les ouvertures petites, et les vitrages doubles. Notre nourriture consistait principalement en chair de daim salée et apprêtée dans la saison, en assez bon pain, mais préparé comme du biscuit, en poisson sec de toute sorte, en viande de mouton, et en viande de buffle, assez bonne espèce de bœuf. Toutes les provisions pour l’hiver sont amassées pendant l’été, et parfaitement conservées. Nous avions pour boisson de l’eau mêlée avec de l’aqua-vitæ au lieu de brandevin, et pour régal, en place de vin, de l’hydromel : ils en ont vraiment de délicieux. Les chasseurs, qui s’aventurent dehors par touts les temps, nous apportaient fréquemment de la venaison fraîche, très-grasse et très-bonne, et quelquefois de la chair d’ours, mais nous ne faisions pas grand cas de cette dernière. Grâce à la bonne provision de thé que nous avions, nous pouvions régaler nos amis, et après tout, toutes choses bien considérées, nous vivions très-gaîment et très-bien.

Nous étions alors au mois de mars, les jours croissaient sensiblement et la température devenait au moins supporta-