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d’idolâtrie et de polythéisme jamais peuple au monde ne les surpassa. Ils sont couverts de peaux de bêtes aussi bien que leurs maisons, et, à leur mine rébarbative, à leur costume, vous ne distingueriez pas un homme d’avec une femme. Durant l’hiver, quand la terre est couverte de neige ils vivent sous terre, dans des espèces de repaires voûtés dont les cavités ou cavernes se communiquent entre elles.

Si les Tartares avaient leur Cham-Chi-Thaungu pour tout un village ou toute une contrée, ceux-ci avaient des idoles dans chaque hutte et dans chaque cave. En outre ils adorent les étoiles, le soleil, l’eau, la neige, et en un mot tout ce qu’ils ne comprennent pas, et ils ne comprennent pas grand’chose ; de sorte qu’à touts les éléments et à presque touts les objets extraordinaires ils offrent des sacrifices.

Mais je ne dois faire la description d’un peuple ou d’une contrée qu’autant que cela se rattache à ma propre histoire. — Il ne m’arriva rien de particulier dans ce pays, que j’estime éloigné de plus de quatre cents milles du dernier désert dont j’ai parlé, et dont la moitié même est aussi un désert, où nous marchâmes rudement pendant douze jours sans rencontrer une maison, un arbre, une broussaille, et où nous fûmes encore obligés de porter avec nous nos provisions, l’eau comme le pain. Après être sortis de ce steppe, nous parvînmes en deux jours à Yénisséisk, ville ou station moscovite sur le grand fleuve Yénisséi. Ce fleuve, nous fut-il dit, sépare l’Europe de l’Asie, quoique nos faiseurs de cartes, à ce qu’on m’a rapporté, n’en tombent pas d’accord. N’importe, ce qu’il y a de certain, c’est qu’il borne à l’Orient l’ancienne Sibérie, qui aujourd’hui ne forme qu’une province du vaste Empire Moscovite bien qu’elle soit aussi grande que l’Empire Germanique tout entier.