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vous trompez fort, ce n’est pas ce village, c’est au moins à cent milles plus loin ; mais c’était bien la même idole, car on la charrie en procession dans tout le pays. » — « Eh ! bien, alors, » dis-je, « que l’idole soit punie ! et elle le sera, que je vive jusqu’à cette nuit ! »

Bref, me voyant résolu, l’aventure le séduisit, et il me dit que je n’irais pas seul, qu’il irait avec moi et qu’il m’amènerait pour nous accompagner un de ses compatriotes, un drille, disait-il, aussi fameux que qui que ce soit pour son zèle contre toutes pratiques diaboliques. Bref, il m’amena ce camarade, cet Écossais qu’il appelait capitaine Richardson. Je lui fis au long le récit de ce que j’avais vu et de ce que je projetais, et sur-le-champ il me dit qu’il voulait me suivre, dût-il lui en coûter la vie. Nous convînmes de partir seulement nous trois. J’en avais bien fait la proposition à mon partner, mais il s’en était excusé. Il m’avait dit que pour ma défense il était prêt à m’assister de toutes ses forces et en toute occasion ; mais que c’était une entreprise tout-à-fait en dehors de sa voie : ainsi, dis-je, nous résolûmes de nous mettre en campagne seulement nous trois et mon serviteur, et d’exécuter le coup cette nuit même sur le minuit, avec tout le secret imaginable.

Cependant, toute réflexion faite, nous jugeâmes bon de renvoyer la partie à la nuit suivante, parce que la caravane devant se mettre en route dans la matinée du surlendemain, nous pensâmes que le gouverneur ne pourrait prétendre donner satisfaction à ces barbares à nos dépens quand nous serions hors de son pouvoir. Le marchand écossais, aussi ferme dans ses résolutions que hardi dans l’exécution, m’apporta une robe de Tartare ou gonelle de peau de mouton, un bonnet avec un arc et des flèches, et s’en pourvut lui-même ainsi que son compatriote, afin que si