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même. Qui l’avait amené en ce lieu ? Je ne sais ; mais il vint à moi, et, m’adressant la parole en anglais : — « Sir, dit-il, vous m’êtes étranger et je vous le suis également ; cependant j’ai à vous dire quelque chose qui vous touche de très-près. »

Je le regardai long-temps fixement, et je crus d’abord le reconnaître ; mais je me trompais. — « Si cela me touche de très-près, lui dis-je, et ne vous touche point vous-même, qui vous porte à me le communiquer ? » — « Ce qui m’y porte c’est le danger imminent où vous êtes, et dont je vois que vous n’avez aucune connaissance. » — « Tout le danger où je suis, que je sache, c’est que mon navire a fait une voie d’eau que je ne puis trouver ; mais je me propose de le mettre à terre demain pour tâcher de la découvrir. » — « Mais, sir, répliqua-t-il, qu’il ait fait ou non une voie, que vous l’ayez trouvée ou non, vous ne serez pas si fou que de le mettre à terre demain quand vous aurez entendu ce que j’ai à vous dire. Savez-vous, sir, que la ville de Camboge n’est guère qu’à quinze lieues plus haut sur cette rivière et qu’environ à cinq lieues de ce côté il y a deux gros bâtiments anglais et trois hollandais ? » — « Eh bien ! qu’est-ce que cela me fait, à moi ? repartis-je. » — « Quoi ! SIR, reprit-il, appartient-il à un homme qui cherche certaine aventure comme vous faites d’entrer dans un port sans examiner auparavant quels vaisseaux s’y trouvent, et s’il est de force à se mesurer avec eux ? Je ne suppose pas que vous pensiez la partie égale. » — Ce discours m’avait fort amusé, mais pas effrayé le moins du monde, car je ne savais ce qu’il signifiait. Et me tournant brusquement vers notre inconnu, je lui dis : — « Sir, je vous en prie, expliquez-vous ; je n’imagine pas quelle raison je puis avoir de redouter les navires de la Compagnie, ou des bâtiments