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passant, sont très-nombreux, vinrent en foule autour de nous, et tout en nous épiant, s’arrêtèrent à quelque distance. Comme nous avions trafiqué librement avec eux et qu’ils en avaient fort bien usé avec nous, nous ne nous crûmes point en danger ; mais, en voyant cette multitude, nous coupâmes trois branches d’arbre et les fichâmes en terre à quelques pas de nous, ce qui est, à ce qu’il paraît, dans ce pays une marque de paix et d’amitié. Quand le manifeste est accepté, l’autre parti plante aussi trois rameaux ou pieux en signe d’adhésion à la trève. Alors, c’est une condition reconnue de la paix, que vous ne devez point passer par devers eux au-delà de leurs trois pieux, ni eux venir par devers vous en-deçà des trois vôtres, de sorte que vous êtes parfaitement en sûreté derrière vos trois perches. Tout l’espace entre vos jalons et les leurs est réservé comme un marché pour converser librement, pour troquer et trafiquer. Quand vous vous rendez là, vous ne devez point porter vos armes avec vous, et pour eux, quand ils viennent sur ce terrain, ils laissent près de leurs pieux leurs sagaies et leurs lances, et s’avancent désarmés. Mais si quelque violence leur est faite, si, par là, la trève est rompue, ils s’élancent aux pieux, saisissent leurs armes, et alors adieu la paix.

Il advint un soir où nous étions au rivage, que les habitants descendirent vers nous en plus grand nombre que de coutume, mais touts affables et bienveillants. Ils nous apportèrent plusieurs sortes de provisions, pour lesquelles nous leur donnâmes quelques babioles que nous avions : leurs femmes nous apportèrent aussi du lait, des racines, et différentes choses pour nous très-acceptables, et tout demeura paisible. Nous fîmes une petite tente ou hutte avec quelques branches d’arbres pour passer la nuit à terre.

Je ne sais à quelle occasion, mais je ne me sentis pas si