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Entre autres choses il s’était rappelé, disait-il, combien son père avait coutume d’insister sur l’inexprimable valeur de la Bible, dont la possession est un privilége et un trésor pour l’homme, les familles et les nations. Toutefois il n’avait jamais conçu la moindre idée du prix de ce livre jusqu’au moment où, ayant à instruire des payens, des Sauvages, des barbares, il avait eu faute de l’assistance de l’Oracle Écrit.

La jeune épousée fut aussi enchantée de cela pour la conjoncture présente, bien qu’elle eût déjà, ainsi que le jeune homme, une Bible à bord de notre navire, parmi les effets qui n’étaient pas encore débarqués. Maintenant, après avoir tant parlé de cette jeune femme, je ne puis omettre à propos d’elle et de moi un épisode encore qui renferme en soi quelque chose de très-instructif et de très-remarquable.

J’ai raconté à quelle extrémité la pauvre jeune suivante avait été réduite ; comment sa maîtresse, exténuée par l’inanition, était morte à bord de ce malheureux navire que nous avions rencontré en mer, et comment l’équipage entier étant tombé dans la plus atroce misère, la gentlewoman, son fils et sa servante avaient été d’abord durement traités quant aux provisions, et finalement totalement négligés et affamés, c’est-à-dire livrés aux plus affreuses angoisses de la faim.

Un jour, m’entretenant avec elle des extrémités qu’ils avaient souffertes, je lui demandai si elle pourrait décrire, d’après ce qu’elle avait ressenti, ce que c’est que mourir de faim, et quels en sont les symptômes. Elle me répondit qu’elle croyait le pouvoir, et elle me narra fort exactement son histoire en ces termes :

— « D’abord, sir, dit-elle, durant quelques jours nous