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Il commença par leur dire que je l’avais instruit de leur situation et du présent dessein ; qu’il était tout disposé à s’acquitter de cette partie de son ministre, à les marier enfin, comme j’en avais manifesté le désir ; mais qu’avant de pouvoir le faire, il devait prendre la liberté de s’entretenir avec eux. Alors il me déclara qu’aux yeux de tout homme et selon l’esprit des lois sociales, ils avaient vécu jusqu’à cette heure dans un adultère patent, auquel rien que leur consentement à se marier ou à se séparer effectivement et immédiatement ne pouvait mettre un terme ; mais qu’en cela il s’élevait même, relativement aux lois chrétiennes du mariage, une difficulté qui ne laissait pas de l’inquiéter, celle d’unir un Chrétien à une Sauvage, une idolâtre, une payenne, une créature non baptisée ; et cependant qu’il ne voyait pas qu’il y eût le loisir d’amener ces femmes par la voie de la persuasion à se faire baptiser, ou à confesser le nom du Christ, dont il doutait qu’elles eussent jamais ouï parler, et sans quoi elles ne pouvaient recevoir le baptême.

Il leur déclara encore qu’il présumait qu’eux-mêmes n’étaient que de très-indifférents Chrétiens, n’ayant qu’une faible connaissance de Dieu et de ses voies ; qu’en conséquence il ne pouvait s’attendre à ce qu’ils en eussent dit bien long à leurs femmes sur cet article ; et que, s’ils ne voulaient promettre de faire touts leurs efforts auprès d’elles pour les persuader de devenir chrétiennes et de les instruire de leur mieux dans la connaissance et la croyance de Dieu qui les a créées, et dans l’adoration de Jésus-Christ qui les a rachetées, il ne pourrait consacrer leur union ; car il ne voulait point prêter les mains à une alliance de Chrétiens à des Sauvages, chose contraire aux principes de la religion chrétienne et formellement défendue par la Loi de Dieu.