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d’aucune communion pour accomplir la cérémonie ; ni plumes, ni encre, ni papier, pour dresser un contrat de mariage et y apposer réciproquement leur seing. Je sais encore, Sir, ce que le gouverneur vous a dit, de l’accord auquel il les obligea de souscrire quand ils prirent ces femmes, c’est-à-dire qu’ils les choisiraient d’après un mode consenti et les garderaient séparément ; ce qui, soit dit en passant, n’a rien d’un mariage, et n’implique point l’engagement des femmes comme épouses : ce n’est qu’un marché fait entre les hommes pour prévenir les querelles entre eux.

» Or, Sir, l’essence du sacrement de mariage, — il l’appelait ainsi, étant catholique romain, — consiste non-seulement dans le consentement mutuel des parties à se prendre l’une l’autre pour mari et épouse, mais encore dans l’obligation formelle et légale renfermée dans le contrat, laquelle force l’homme et la femme de s’avouer et de se reconnaître pour tels dans touts les temps ; obligation imposant à l’homme de s’abstenir de toute autre femme, de ne contracter aucun autre engagement tandis que celui-ci subsiste, et, dans toutes les occasions, autant que faire se peut, de pourvoir convenablement son épouse et ses enfants ; obligation qui, mutatis mutandis, soumet de son côté la femme aux mêmes ou à de semblables conditions.

» Or, Sir, ces hommes peuvent, quand il leur plaira ou quand l’occasion s’en présentera, abandonner ces femmes, désavouer leurs enfants, les laisser périr, prendre d’autres femmes et les épouser du vivant des premières. » — Ici il ajouta, non sans quelque chaleur : — « Comment, Sir, Dieu est-il honoré par cette liberté illicite ? et comment sa bénédiction couronnera-t-elle vos