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même qu’il était d’une conduite obligeante et noble, il était, s’il peut m’être permis de le dire, homme de bon sens, et, je crois, d’un grand savoir.

Il me fit un fort agréable récit de sa vie et des événements extraordinaires dont elle était semée. Parmi les nombreuses aventures qui lui étaient advenues depuis le peu d’années qu’il courait le monde, celle-ci était surtout très-remarquable. Durant le voyage qu’il poursuivait encore, il avait eu la disgrâce d’être embarqué et débarqué cinq fois, sans que jamais aucun des vaisseaux où il se trouvait fût parvenu à sa destination. Son premier dessein était d’aller à la Martinique, et il avait pris passage à Saint-Malo sur un navire chargé pour cette île ; mais, contraint par le mauvais temps de faire relâche à Lisbonne, le bâtiment avait éprouvé quelque avarie en échouant dans l’embouchure du Tage, et on avait été obligé de décharger sa cargaison. Là, trouvant un vaisseau portugais nolisé pour Madère prêt à mettre à la voile, et supposant rencontrer facilement dans ce parage un navire destiné pour la Martinique, il s’était donc rembarqué. Mais le capitaine de ce bâtiment portugais, lequel était un marin négligent, s’étant trompé dans son estime, avait dérivé jusqu’à Fayal, où toutefois il avait eu la chance de trouver un excellent débit de son chargement, qui consistait en grains. En conséquence, il avait résolu de ne point aller à Madère, mais de charger du sel à l’île de May, et de faire route de là pour Terre-Neuve. — Notre jeune ecclésiastique dans cette occurrence n’avait pu que suivre la fortune du navire, et le voyage avait été assez heureux jusqu’aux Bancs, — on appelle ainsi le lieu où se fait la pêche. Ayant rencontré là un bâtiment français parti de France pour Québec, sur la rivière du Canada, puis devant porter des vi-