Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rures de toutes sortes, nos hommes en eurent sans compter selon ce qu’ils demandaient, car aucun ne se fût soucié d’en prendre au-delà de ses besoins : bien fou eût été celui qui les aurait gaspillés ou gâtés pour quelque raison que ce fût. À l’usage du forgeron, et pour son approvisionnement, je laissai deux tonnes de fer brut.

Le magasin de poudre et d’armes que je leur apportais allait jusqu’à la profusion, ce dont ils furent nécessairement fort aises. Ils pouvaient alors, comme j’avais eu coutume de le faire, marcher avec un mousquet sur chaque épaule, si besoin était, et combattre un millier de Sauvages, n’auraient-ils eu qu’un faible avantage de position, circonstance qui ne pouvait leur manquer dans l’occasion.

J’avais mené à terre avec moi le jeune homme dont la mère était morte de faim, et la servante aussi, jeune fille modeste, bien élevée, pieuse, et d’une conduite si pleine de candeur, que chacun avait pour elle une bonne parole. Parmi nous elle avait eu une vie fort malheureuse à bord, où pas d’autre femme qu’elle ne se trouvait ; mais elle l’avait supportée avec patience. — Après un court séjour dans l’île, voyant toutes choses si bien ordonnées et en si bon train de prospérer, et considérant qu’ils n’avaient ni affaires ni connaissances dans les Indes-Orientales, ni motif pour entreprendre un si long voyage ; considérant tout cela, dis-je, ils vinrent ensemble me trouver, et me demandèrent que je leur permisse de rester dans l’île, et d’entrer dans ma famille, comme ils disaient.

J’y consentis de tout cœur, et on leur assigna une petite pièce de terre, où on leur éleva trois tentes ou maisons, entourées d’un clayonnage, palissadées comme celle d’Atkins et contiguës à sa plantation. Ces huttes furent disposées de telle façon, qu’ils avaient chacun une chambre