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bien couverts à bord du navire, afin que l’équipage se pût régaler de notre viande fraîche, comme nous le faisions à terre de leur salaison.

Après ce banquet, où brilla une innocente gaîté, je fis étaler ma cargaison d’effets ; et, pour éviter toute dispute sur la répartition, je leur montrai qu’elle était suffisante pour eux touts, et leur enjoignis à touts de prendre une quantité égale des choses à l’usage du corps, c’est-à-dire égale après confection. Je distribuai d’abord assez de toile pour faire à chacun quatre chemises ; mais plus tard, à la requête des Espagnols, je portai ce nombre à six. Ce linge leur fut extrêmement confortable ; car, pour ainsi dire, ils en avaient depuis long-temps oublié l’usage, ou ce que c’était que d’en porter.

Je distribuai les minces étoffes anglaises dont j’ai déjà parlé, pour faire à chacun un léger vêtement, en manière de blaude, costume frais et peu gênant que je jugeai le plus convenable à cause de la chaleur de la saison, et j’ordonnai que toutes et quantes fois ils seraient usés, on leur en fît d’autres, comme bon semblerait. Je répartis de même escarpins, souliers, bas et chapeaux.

Je ne saurais exprimer le plaisir et la satisfaction qui éclataient dans l’air de touts ces pauvres gens quand ils virent quel soin j’avais pris d’eux et combien largement je les avais pourvus. Ils me dirent que j’étais leur père, et que d’avoir un correspondant tel que moi dans une partie du monde si lointaine, cela leur ferait oublier qu’ils étaient délaissés sur une terre déserte. Et touts envers moi prirent volontiers l’engagement de ne pas quitter la place sans mon consentement.

Alors je leur présentai les gens que j’avais amenés avec moi, spécialement le tailleur, le forgeron, et les deux char-