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leurs landlords à la guerre, ils se trouvaient sur le champ de bataille dans une position pire que celle des Sauvages eux-mêmes ; car ils n’avaient ni flèches ni arcs, ou ne savaient se servir de ceux que les Sauvages leur avaient donnés. Ils ne pouvaient donc faire autre chose que rester cois, exposés aux flèches, jusqu’à ce qu’on fût arrivé sous la dent de l’ennemi. Alors trois hallebardes qu’ils avaient leur étaient de quelque usage, et souvent ils balayaient devant eux toute une petite armée avec ces hallebardes et des bâtons pointus fichés dans le canon de leurs mousquets. Maintes fois pourtant ils avaient été entourés par des multitudes, et en grand danger de tomber sous leurs traits. Mais enfin ils avaient imaginé de se faire de grandes targes de bois, qu’ils avaient couvertes de peaux de bêtes sauvages dont ils ne savaient pas le nom. Nonobstant ces boucliers, qui les préservaient des flèches des Indiens, ils essuyaient quelquefois de grands périls. Un jour surtout cinq d’entre eux furent terrassés ensemble par les casse-têtes des Sauvages ; et c’est alors qu’un des leurs fut fait prisonnier, c’est-à-dire l’Espagnol que j’arrachai à la mort. Ils crurent d’abord qu’il avait été tué ; mais ensuite, quand ils apprirent qu’il était captif, ils tombèrent dans la plus profonde douleur imaginable, et auraient volontiers touts exposé leur vie pour le délivrer.

Lorsque ceux-ci eurent été ainsi terrassés, les autres les secoururent et combattirent en les entourant jusqu’à ce qu’ils fussent touts revenus à eux-mêmes, hormis celui qu’on croyait mort ; puis touts ensemble, serrés sur une ligne, ils se firent jour avec leurs hallebardes et leurs bayonnettes à travers un corps de plus de mille Sauvages, abattirent tout ce qui se trouvait sur leur chemin et remportèrent la victoire ; mais à leur grand regret, parce qu’elle leur avait coûté la perte de leur compagnon, que le parti ennemi, qui le