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recourir ? Ils ne le savaient. La seule ressource qui leur restât c’était le bétail qu’ils avaient dans la vallée près de la caverne, le peu de blé qui y croissait et la plantation des trois Anglais, Will Atkins et ses camarades, alors réduits à deux, l’un d’entre eux ayant été frappé à la tête, juste au-dessous de la tempe, par une flèche qui l’avait fait taire à jamais. Et, chose remarquable, celui-ci était ce même homme cruel qui avait porté un coup de hache au pauvre esclave Indien, et qui ensuite avait formé le projet d’assassiner les Espagnols.

À mon sens, la condition de nos colons était pire en ce temps-là que ne l’avait jamais été la mienne depuis que j’eus découvert les grains d’orge et de riz, et que j’eus acquis la méthode de semer et de cultiver mon blé et d’élever mon bétail ; car alors ils avaient, pour ainsi dire, une centaine de loups dans l’île, prêts à faire leur proie de tout ce qu’ils pourraient saisir, mais qu’il n’était pas facile de saisir eux-mêmes.

La première chose qu’ils résolurent de faire, quand ils virent la situation où ils se trouvaient, ce fut, s’il était possible, de reléguer les Sauvages dans la partie la plus éloignée de l’île, au Sud-Est ; afin que si d’autres Indiens venaient à descendre au rivage, ils ne pussent les rencontrer ; puis, une fois là, de les traquer, de les harasser chaque jour, et de tuer touts ceux qu’ils pourraient approcher, jusqu’à ce qu’ils eussent réduit leur nombre ; et s’ils pouvaient enfin les apprivoiser et les rendre propres à quelque chose, de leur donner du blé, et de leur enseigner à cultiver la terre et à vivre de leur travail journalier.

En conséquence, ils les serrèrent de près et les épouvantèrent tellement par le bruit de leurs armes, qu’au bout de peu de temps, si un des colons tirait sur un Indien et le manquait,