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même détruit. En un mot, il leur démontra cette nécessité d’une manière si palpable, qu’ils se rangèrent touts à son avis. Aussitôt ils se mirent à l’œuvre sur les pirogues, et, arrachant du bois sec d’un arbre mort, ils essayèrent de mettre le feu à quelques-unes de ces embarcations ; mais elles étaient si humides qu’elles purent à peine brûler. Néanmoins, le feu endommagea tellement leurs parties supérieures, qu’elles furent bientôt hors d’état de tenir la mer. Quand les Indiens virent à quoi nos hommes étaient occupés, quelques-uns d’entre eux sortirent des bois en toute hâte, et, s’approchant le plus qu’ils purent, ils se jetèrent à genoux et se mirent à crier : — « Oa, oa, waramokoa ! » et à proférer quelques autres mots de leur langue que personne ne comprit ; mais, comme ils faisaient des gestes piteux et poussaient des cris étranges, il fut aisé de reconnaître qu’ils suppliaient pour qu’on épargnât leurs canots, et qu’ils promettaient de s’en aller pour ne plus revenir.

Mais nos gens étaient alors convaincus qu’ils n’avaient d’autre moyen de se conserver ou de sauver leur établissement que d’empêcher à tout jamais les Indiens de revenir dans l’île, sachant bien que s’il arrivait seulement à l’un d’eux de retourner parmi les siens pour leur conter l’événement, c’en était fait de la colonie. En conséquence, faisant comprendre aux Indiens qu’il n’y avait pas de merci pour eux, ils se remirent l’œuvre et détruisirent les canots que la tempête avait épargnés. À cette vue les Sauvages firent retentir les bois d’un horrible cri que notre monde entendit assez distinctement ; puis ils se mirent à courir çà et là dans l’île comme des insensés, de sorte que nos colons ne surent réellement pas d’abord comment s’y prendre avec eux.

Les Espagnols, avec toute leur prudence, n’avaient pas