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tés au point d’être abattus et découragés, et afin d’agir en conséquence.

Le stratagème eut un plein succès ; car les Sauvages n’eurent pas plus tôt entendu le premier coup de feu et vu la lueur du second qu’ils se dressèrent sur leurs pieds dans la plus grande consternation imaginable ; et, comme nos gens se précipitaient sur eux, ils s’enfuirent criant, hurlant et poussant une sorte de mugissement que nos hommes ne comprirent pas et n’avaient point ouï jusque là, et ils se réfugièrent sur les hauteurs plus avant dans le pays.

Les nôtres eussent d’abord préféré que le temps eût été calme et que les Sauvages se fussent rembarqués. Mais ils ne considéraient pas alors que cela pourrait en amener par la suite des multitudes auxquelles il leur serait impossible de résister, ou du moins être la cause d’incursions si redoutables et si fréquentes qu’elles désoleraient l’île et les feraient périr de faim. Will Atkins, qui, malgré sa blessure, se tenait toujours avec eux, se montra, dans cette occurrence, le meilleur conseiller : il fallait, selon lui, saisir l’occasion qui s’offrait de se jeter entre eux, et leurs canots, et, par là, les empêcher à jamais, de revenir inquiéter l’île.

On tint long-temps conseil sur ce point. Quelques-uns s’opposaient à cela, de peur qu’on ne forçât ces misérables à se retirer dans les bois, et à n’écouter que leur désespoir. — « Dans ce cas, disaient-ils, nous serons obligés de leur donner la chasse comme à des bêtes féroces ; nous redouterons de sortir pour nos travaux ; nous aurons nos plantations incessamment pillées, nos troupeaux détruits, bref nous serons réduits à une vie de misères continuelles. »

Will Atkins répondit que mieux valait avoir affaire à cent hommes qu’à cent nations ; que s’il fallait détruire les canots il fallait aussi détruire les hommes, sinon être soi--