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charge générale sur l’ennemi. Mais l’Espagnol répondit : — « Señor Atkins, vous avez vu comment leurs blessés se battent ; remettons la partie à demain : touts ces écloppés seront roidis et endoloris par leurs plaies, épuisés par le sang qu’ils auront perdu, et nous aurons alors beaucoup moins de besogne sur les bras. »

L’avis était bon. Mais Will Atkins reprit gaîment : — « C’est vrai, señor ; mais il en sera de même de moi, et c’est pour cela que je voudrais aller en avant tandis que je suis en haleine. » — « Fort bien, señor Atkins, dit l’Espagnol : vous vous êtes conduit vaillamment, vous avez rempli votre tâche ; nous combattrons pour vous si vous ne pouvez venir ; mais je pense qu’il est mieux d’attendre jusqu’à demain matin. » — Ils attendirent donc.

Mais, lorsqu’il fit un beau clair de lune, et qu’ils virent les Sauvages dans un grand désordre, au milieu de leurs morts et de leurs blessés et se pressant tumultueusement à l’entour, ils se résolurent à fondre sur eux pendant la nuit, dans le cas surtout où ils pourraient leur envoyer une décharge avant d’être apperçus. Il s’offrit à eux une belle occasion pour cela : car l’un des deux Anglais, sur le terrain duquel l’affaire s’était engagée, les ayant conduits par un détour entre les bois et la côte occidentale, et là ayant tourné brusquement au Sud, ils arrivèrent si proche du groupe le plus épais, qu’avant qu’on eût pu les voir ou les entendre, huit hommes tirèrent au beau milieu et firent une terrible exécution. Une demi-minute après huit autres tirèrent à leur tour et les criblèrent tellement de leurs dragées, qu’ils en tuèrent ou blessèrent un grand nombre. Tout cela se passa sans qu’ils pussent reconnaître qui les frappait, sans qu’ils sussent par quel chemin fuir.

Les Espagnols rechargèrent vivement leurs armes ; puis,