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individus, pieds et poings liés, jusqu’à nouvel ordre.

En second lieu, voyant que les Sauvages avaient touts mis pied à terre et se portaient de leur côté, ils ouvrirent les enclos dans lesquels étaient leurs chèvres et les chassèrent dans le bois pour y errer en liberté, afin que ces barbares crussent que c’étaient des animaux farouches ; mais le coquin qui les accompagnait, trop rusé pour donner là-dedans, les mit au fait de tout, et ils se dirigèrent droit à la place. Quand les pauvres gens effrayés eurent mis à l’abri leurs femmes et leurs biens, ils députèrent leur troisième esclave venu avec les femmes et qui se trouvait là par hasard, en toute hâte auprès des Espagnols pour leur donner l’alarme et leur demander un prompt secours. En même temps ils prirent leurs armes et ce qu’ils avaient de munitions, et se retirèrent dans le bois, vers le lieu où avaient été envoyées leurs femmes, se tenant à distance cependant, de manière à voir, si cela était possible, la direction que suivraient les Sauvages.

Ils n’avaient pas fait beaucoup de chemin quand du haut d’un monticule ils apperçurent la petite armée de leurs ennemis s’avancer directement vers leur habitation ; et un moment après, ils virent leurs huttes et leurs meubles dévorés par les flammes, à leur grande douleur et à leur grande mortification : c’était pour eux une perte cruelle, une perte irréparable au moins pour quelque temps. Ils conservèrent un moment la même position, jusqu’à ce que les Sauvages se répandirent sur toute la place comme des bêtes féroces, fouillant partout à la recherche de leur proie, et en particulier des habitants, dont on voyait clairement qu’ils connaissaient l’existence.

Les deux Anglais, voyant cela et ne se croyant pas en sûreté où ils se trouvaient, car il était probable que quel-