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pluie leur grain et leurs autres provisions ; mais c’était après tout une triste grotte, comparée à la mienne et surtout à ce qu’elle était alors ; car les Espagnols l’avaient beaucoup agrandie et y avaient pratiqué de nouveaux logements.

Environ trois trimestres après cette séparation il prit à ces chenapans une nouvelle lubie, qui, jointe aux premiers brigandages qu’ils avaient commis, attira sur eux le malheur et faillit à causer la ruine de la colonie tout entière. Les trois nouveaux associés commencèrent, à ce qu’il paraît, à se fatiguer de la vie laborieuse qu’ils menaient sans espoir d’améliorer leur condition ; il leur vint la fantaisie de faire un voyage au continent d’où venaient les Sauvages, afin d’essayer s’ils ne pourraient pas réussir à s’emparer de quelques prisonniers parmi les naturels du pays, les emmener dans leur plantation, et se décharger sur eux des travaux les plus pénibles.

Ce projet n’était pas mal entendu s’ils se fussent bornés à cela ; mais ils ne faisaient rien et ne se proposaient rien où il n’y eût du mal soit dans l’intention, soit dans le résultat ; et, si je puis dire mon opinion, il semblait qu’ils fussent placés sous la malédiction du Ciel ; car si nous n’accordons pas que des crimes visibles sont poursuivis de châtiments visibles, comment concilierons-nous les événements avec la justice divine ? Ce fut sans doute en punition manifeste de leurs crimes de rébellion et de piraterie qu’ils avaient été amenés à la position où ils se trouvaient ; mais bien loin de montrer le moindre remords de ces crimes, ils y ajoutaient de nouvelles scélératesses. ; telles que cette cruauté monstrueuse de blesser un pauvre esclave parce qu’il n’exécutait pas ou peut-être ne comprenait pas l’ordre qui lui était donné, de le blesser de telle manière, que sans nul doute il en est resté estropié toute sa vie, et dans