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leur inculquer de sages principes de morale, de religion, de les civiliser et de se les acquérir par de bons traitements et des raisonnements affectueux. De même qu’ils leur donnaient leur nourriture chaque jour, chaque jour ils leur imposaient une besogne, et les occupaient totalement à de vils travaux : aussi manquèrent-ils en cela, car ils ne les eurent jamais pour les assister et pour combattre, comme j’avais eu mon serviteur Vendredi, qui m’était aussi attaché que ma chair à mes os.

Mais revenons à nos affaires domestiques. Étant alors touts bons amis, — car le danger commun, comme je l’ai dit plus haut, les avait parfaitement réconciliés, — ils se mirent à considérer leur situation en général. La première chose qu’ils firent ce fut d’examiner si, voyant que les Sauvages fréquentaient particulièrement le côté où ils étaient, et l’île leur offrant plus loin des lieux plus retirés, également propres à leur manière de vivre et évidemment plus avantageux, il ne serait pas convenable de transporter leur habitation et de se fixer dans quelque endroit où ils trouveraient plus de sécurité pour eux, et surtout plus de sûreté pour leurs troupeaux et leur grain.

Enfin, après une longue discussion, ils convinrent qu’ils n’iraient pas habiter ailleurs ; vu qu’un jour ou l’autre il pourrait leur arriver des nouvelles de leur gouverneur, c’est-à-dire de moi, et que si j’envoyais quelqu’un à leur recherche, ce serait certainement dans cette partie de l’île ; que là, trouvant la place rasée, on en conclurait que les habitants avaient touts été tués par les Sauvages, et qu’ils étaient partis pour l’autre monde, et qu’alors le secours partirait aussi.

Mais, quant à leur grain et à leur bétail, ils résolurent de les transporter dans la vallée où était ma caverne, le sol