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tuellement ; alors les Espagnols intervinrent comme modérateurs ; et, de même qu’ils avaient obligé les deux Anglais à ne point faire de mal aux trois autres pendant que ceux-ci étaient nus et désarmés, de même maintenant ils obligèrent ces derniers à aller rebâtir à leurs compatriotes deux huttes, l’une devant être de la même dimension, et l’autre plus vaste que les premières ; comme aussi à rétablir les clôtures qu’ils avaient arrachées, à planter des arbres à la place de ceux qu’ils avaient déracinés, à bêcher le sol pour y semer du blé là où ils avaient endommagé la culture ; en un mot, à rétablir toutes choses en l’état où ils les avaient trouvées, autant du moins que cela se pouvait ; car ce n’était pas complètement possible : on ne pouvait réparer le temps perdu dans la saison du blé, non plus que rendre les arbres et les haies ce qu’ils étaient.

Ils se soumirent à toutes ces conditions ; et, comme pendant ce temps on leur fournit des provisions en abondance, ils devinrent très-paisibles, et la bonne intelligence régna de nouveau dans la société ; seulement on ne put jamais obtenir de ces trois hommes de travailler pour eux-mêmes, si ce n’est un peu par ci, par là, et selon leur caprice. Toutefois les Espagnols leur dirent franchement que, pourvu qu’ils consentissent à vivre avec eux d’une manière sociable et amicale, et à prendre en général le bien de la plantation à cœur, on travaillerait pour eux, en sorte qu’ils pourraient se promener et être oisifs tout à leur aise. Ayant donc vécu en paix pendant un mois ou deux, les Espagnols leur rendirent leurs armes, et leur donnèrent la permission de les porter dans leurs excursions comme par le passé.

Une semaine s’était à peine écoulée depuis qu’ils avaient repris possession de leurs armes et recommencé leurs courses, que ces hommes ingrats se montrèrent aussi insolents