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vaient consentir à ce qu’ils les attaquassent avec des armes à feu et les tuassent peut-être. — « Mais, dit le grave Espagnol qui était leur gouverneur, nous ferons en sorte de vous faire rendre justice si vous voulez vous en rapporter à nous ; il n’est pas douteux que lorsque leur colère sera appaisée ils reviendront vers nous, incapables qu’ils sont de subsister sans notre aide ; nous vous promettons alors de ne faire avec eux ni paix ni trêve qu’ils ne vous aient donné pleine satisfaction ; à cette condition, nous espérons que vous nous promettrez de votre côté de ne point user de violence à leur égard, si ce n’est dans le cas de légitime défense.

Les deux Anglais cédèrent à cette invitation de mauvaise grâce et avec beaucoup de répugnance ; mais les Espagnols protestèrent qu’en agissant ainsi ils n’avaient d’autre but que d’empêcher l’effusion du sang, et de rétablir l’harmonie parmi eux : — « Nous sommes bien peu nombreux ici, dirent-ils, il y a place pour nous touts, et il serait dommage que nous ne fussions pas touts bons amis. » — À la fin les Anglais consentirent, et en attendant le résultat, demeurèrent quelques jours avec les Espagnols, leur propre habitation étant détruite.

Au bout d’environ trois jours les trois exilés, fatigués d’errer çà et là et mourant presque de faim, — car ils n’avaient guère vécu dans cet intervalle que d’œufs de tortues, — retournèrent au bocage. Ayant trouvé mon Espagnol qui, comme je l’ai dit, était le gouverneur, se promenant avec deux autres sur le rivage, ils l’abordèrent d’un air humble et soumis, et demandèrent en grâce d’être de nouveau admis dans la famille. Les Espagnols les accueillirent avec politesse ; mais leur déclarèrent qu’ils avaient agi d’une manière si dénaturée envers les Anglais leurs compatriotes, et d’une façon si incivile envers eux, — les Espagnols —, qu’ils ne