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clair, l’orage était abattu, la mer n’était plus ni furieuse ni houleuse comme la veille. Mais quelle fut ma surprise en voyant que le vaisseau avait été, par l’élévation de la marée, enlevé, pendant la nuit, du banc de sable où il s’était engravé, et qu’il avait dérivé presque jusqu’au récif dont j’ai parlé plus haut, et contre lequel j’avais été précipité et meurtri. Il était environ à un mille du rivage, et comme il paraissait poser encore sur sa quille, je souhaitai d’aller à bord, afin de sauver au moins quelques choses nécessaires pour mon usage.

Quand je fus descendu de mon appartement, c’est-à-dire de l’arbre, je regardai encore à l’entour de moi, et la première chose que je découvris fut la chaloupe, gisant sur la terre, où le vent et la mer l’avaient lancée, à environ deux milles à ma droite. Je marchai le long du rivage aussi loin que je pus pour y arriver ; mais ayant trouvé entre cette embarcation et moi un bras de mer qui avait environ un demi-mille de largeur, je rebroussai chemin ; car j’étais alors bien plus désireux de parvenir au bâtiment, où j’espérais trouver quelque chose pour ma subsistance.

Un peu après midi, la mer était très calme et la marée si basse, que je pouvais avancer jusqu’à un quart de mille du vaisseau. Là, j’éprouvai un renouvellement de douleur ; car je vis clairement que si nous fussions demeurés à bord, nous eussions tous été sauvés, c’est-à-dire que nous serions tous venus à terre sains et saufs, et que je n’aurais pas été si malheureux que d’être, comme je l’étais alors, entièrement dénué de toute société et de toute consolation. Ceci m’arracha de nouvelles larmes des yeux ; mais ce n’était qu’un faible soulagement, et je résolus d’atteindre le navire, s’il était possible. Je me déshabillai, car la chaleur était extrême, et me mis à