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Xury était horriblement effrayé, et, au fait, je l’étais aussi ; mais nous fûmes tous deux plus effrayés encore quand nous entendîmes une de ces énormes créatures venir à la nage vers notre chaloupe. Nous ne pouvions la voir, mais nous pouvions reconnaître à son soufflement que ce devait être une bête monstrueusement grosse et furieuse. Xury prétendait que c’était un lion, cela pouvait bien être ; tout ce que je sais, c’est que le pauvre enfant me disait de lever l’ancre et de faire force de rames. — « Non pas, Xury, lui répondis-je, il vaut mieux filer par le bout de notre câble avec une bouée, et nous éloigner en mer ; car il ne pourra nous suivre fort loin. » Je n’eus pas plus tôt parlé ainsi que j’aperçus cet animal — quel qu’il fût — à deux portées d’aviron, ce qui me surprit un peu. Néanmoins, aussitôt j’allai à l’entrée de la cabine, je pris mon mousquet et je fis feu sur lui : à ce coup il tournoya et nagea de nouveau vers le rivage.

Il est impossible de décrire le tumulte horrible, les cris affreux et les hurlements qui s’élevèrent sur le bord du rivage et dans l’intérieur des terres, au bruit et au retentissement de mon mousquet ; je pense avec quelque raison que ces créatures n’avaient auparavant jamais rien ouï de pareil. Ceci me fit voir que nous ne devions pas descendre sur cette côte pendant la nuit, et combien il serait chanceux de s’y hasarder pendant le jour, car tomber entre les mains de quelques sauvages était, pour nous, tout aussi redoutable que de tomber dans les griffes des lions et des tigres ; du moins appréhendions-nous également l’un et l’autre danger.

Quoi qu’il en fût, nous étions obligés d’aller quelque part à l’aiguade ; il ne nous restait pas à bord une pinte d’eau ; mais quand ? mais où ? c’était là l’embarras. Xury