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cipal trafic se faisant sur la côte depuis le quinzième degré de latitude septentrionale jusqu’à l’équateur.

Je voulais alors me faire marchand de Guinée, et pour mon malheur, mon ami étant mort peu de temps après son arrivée, je résolus d’entreprendre encore ce voyage, et je m’embarquai sur le même navire avec celui qui, la première fois, en avait été le second, et qui alors en avait obtenu le commandement. Jamais traversée ne fut plus déplorable ; car bien que je n’emportasse pas tout à fait cent livres sterling de ma nouvelle richesse, laissant deux cents livres confiées à la veuve de mon ami, qui fut très fidèle dépositaire, je ne laissai pas de tomber en de terribles infortunes. Notre vaisseau, cinglant vers les Canaries, ou plutôt entre ces îles et la côte d’Afrique, fut surpris, à l’aube du jour, par un corsaire turc de Sallé, qui nous donna la chasse avec toute la voile qu’il pouvait faire. Pour le parer, nous forçâmes aussi de voiles autant que nos vergues en purent déployer et nos mâts en purent charrier ; mais, voyant que le pirate gagnait sur nous, et qu’assurément avant peu d’heures il nous joindrait, nous nous préparâmes au combat. Notre navire avait douze canons et l’écumeur en avait dix-huit.

Environ à trois heures de l’après-midi, il entra dans nos eaux, et nous attaqua par méprise, juste en travers de notre hanche, au lieu de nous enfiler par notre poupe, comme il le voulait. Nous pointâmes huit de nos canons de ce côté, et lui envoyâmes une bordée qui le fit reculer, après avoir répondu à notre feu et avoir fait faire une mousqueterie à près de deux cents hommes qu’il avait à bord. Toutefois, tout notre monde se tenant couvert, pas un de nous n’avait été touché. Il se prépara à nous attaquer derechef, et nous, derechef, à nous défendre ; mais cette fois, venant à l’abordage par l’autre flanc,