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vous prenez en horreur la trahison dont vous vous êtes rendus coupables, et jurez de m’aider fidèlement à recouvrer le navire et à le ramener à la Jamaïque, d’où il vient. » — Ils lui firent toutes les protestations de sincérité qu’on pouvait désirer ; et, comme il inclinait à les croire et à leur laisser la vie sauve, je n’allai point à l’encontre ; je l’obligeai seulement à les garder pieds et mains liés tant qu’ils seraient dans l’île.

Sur ces entrefaites j’envoyai Vendredi et le second du capitaine vers la chaloupe, avec ordre de s’en assurer, et d’emporter les avirons et la voile ; ce qu’ils firent. Aussitôt trois matelots rôdant, qui fort heureusement pour eux s’étaient écartés des autres, revinrent au bruit des mousquets ; et, voyant leur capitaine, de leur prisonnier qu’il était, devenu leur vainqueur, ils consentirent à se laisser garrotter aussi ; et notre victoire fut complète.

Il ne restait plus alors au capitaine et à moi qu’à nous ouvrir réciproquement sur notre position. Je commençai le premier, et lui contai mon histoire entière, qu’il écouta avec une attention qui allait jusqu’à l’ébahissement, surtout la manière merveilleuse dont j’avais été fourni de vivres et de munitions. Et au fait, comme mon histoire est un tissu de prodiges, elle fit sur lui une profonde impression. Puis, quand il en vint à réfléchir sur lui-même, et que je semblais avoir été préservé en ce lieu à dessein de lui sauver la vie, des larmes coulèrent sur sa face, et il ne put proférer une parole.

Après que cette conversation fut terminée je le conduisis lui et ses deux compagnons dans mon logis, où je les introduisis par mon issue, c’est-à-dire par le haut de la maison. Là, pour se rafraîchir, je leur offris les provisions que je me trouvais avoir, puis je leur montrai toutes