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la place inhabitée, et nous ne savons que penser de cela. »

— « Où sont, lui dis-je, ces cruels, vos ennemis ? savez-vous où ils sont allés ? » — « Ils sont là, sir, répondit-il, montrant du doigt un fourré d’arbres ; mon cœur tremble de crainte qu’ils ne nous aient vus et qu’ils ne vous aient entendu parler : si cela était, à coup sûr ils nous massacreraient touts. »

— « Ont-ils des armes à feu ? » lui demandai-je. — « Deux mousquets seulement et un qu’ils ont laissé dans la chaloupe, » répondit-il. —. « Fort bien, dis-je, je me charge du reste ; je vois qu’ils sont touts endormis, c’est chose facile que de les tuer touts. Mais ne vaudrait-il pas mieux les faire prisonniers ? » — Il me dit alors que parmi eux il y avait deux désespérés coquins à qui il ne serait pas trop prudent de faire grâce ; mais que, si on s’en assurait, il pensait que touts les autres retourneraient à leur devoir. Je lui demandai lesquels c’étaient. Il me dit qu’à cette distance il ne pouvait les indiquer, mais qu’il obéirait à mes ordres dans tout ce que je voudrais commander. — « Eh bien, dis-je, retirons-nous hors de leur vue et de leur portée d’entendre, de peur qu’ils ne s’éveillent, et nous délibérerons plus à fond. » — Puis volontiers ils s’éloignèrent avec moi jusqu’à ce que les bois nous eussent cachés.

— « Voyez, sir, lui dis-je, si j’entreprends votre délivrance, êtes-vous prêt à faire deux conditions avec moi ? » Il prévint mes propositions en me déclarant que lui et son vaisseau, s’il le recouvrait, seraient en toutes choses entièrement dirigés et commandés par moi ; et que, si le navire n’était point repris, il vivrait et mourrait avec moi dans quelque partie du monde que je voulusse le conduire ; et les deux autres hommes protestèrent de même.