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lui demandai ce qu’il disait. Mais il tenait trop à une réponse pour oublier sa question, et il la répéta de même, dans son langage décousu. J’avais eu le temps de me remettre un peu ; je lui dis : — « Dieu veut le punir sévèrement à la fin : il le réserve pour le jour du jugement, où il sera jeté dans l’abyme sans fond, pour demeurer dans le feu éternel. » — Ceci ne satisfit pas Vendredi ; il revint à la charge en répétant mes paroles : — « Réservé à la fin ! moi pas comprendre ; mais pourquoi non tuer le diable maintenant, pourquoi pas tuer grand auparavant ? » — « Tu pourrais aussi bien me demander, repartis-je, pourquoi Dieu ne nous tue pas, toi et moi, quand nous faisons des choses méchantes qui l’offensent ; il nous conserve pour que nous puissions nous repentir et puissions être pardonnés. Après avoir réfléchi un moment à cela : — « Bien, bien, dit-il très-affectueusement, cela est bien ; ainsi vous, moi, diable, touts méchants, touts préserver, touts repentir, Dieu pardonner touts. » — Je retombai donc encore dans une surprise extrême, et ceci fut une preuve pour moi que bien que les simples notions de la nature conduisent les créatures raisonnables à la connaissance de Dieu et de l’adoration ou hommage dû à son essence suprême comme la conséquence de notre nature, cependant la divine révélation seule peut amener à la connaissance de Jésus-Christ, et d’une rédemption opérée pour nous, d’un Médiateur, d’une nouvelle alliance, et d’un Intercesseur devant le trône de Dieu. Une révélation venant du ciel peut seule, dis-je, imprimer ces notions dans l’âme ; par conséquent l’Évangile de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, — j’entends la parole divine, — et l’Esprit de Dieu promis à son peuple pour guide et sanctificateur, sont les instructeurs essentiels de l’âme des