Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/340

Cette page a été validée par deux contributeurs.

échelle, j’avais posé une sorte de trappe, qui, si elle eût été forcée à l’extérieur, ne se serait point ouverte, mais serait tombée avec un grand fracas. Quant aux armes, je les prenais toutes avec moi pendant la nuit.

Mais je n’avais pas besoin de tant de précautions, car jamais homme n’eut un serviteur plus sincère, plus aimant, plus fidèle que Vendredi. Sans passions, sans obstination, sans volonté, complaisant et affectueux, son attachement pour moi était celui d’un enfant pour son père. J’ose dire qu’il aurait sacrifié sa vie pour sauver la mienne en toute occasion. La quantité de preuves qu’il m’en donna mit cela hors de doute, et je fus bientôt convaincu que pour ma sûreté il n’était pas nécessaire d’user de précautions à son égard.

Ceci me donna souvent occasion d’observer, et avec étonnement, que si toutefois il avait plu à Dieu, dans sa sagesse et dans le gouvernement des œuvres de ses mains, de détacher un grand nombre de ses créatures du bon usage auquel sont applicables leurs facultés et les puissances de leur âme, il leur avait pourtant accordé les mêmes forces, la même raison, les mêmes affections, les mêmes sentiments d’amitié et d’obligeance, les mêmes passions, le même ressentiment pour les outrages, le même sens de gratitude, de sincérité, de fidélité, enfin toutes les capacités, pour faire et recevoir le bien, qui nous ont été données à nous-mêmes ; et que, lorsqu’il plaît à Dieu de leur envoyer l’occasion d’exercer leurs facultés, ces créatures sont aussi disposées, même mieux disposées que nous, à les appliquer au bon usage pour lequel elles leur ont été départies. Je devenais parfois très-mélancolique lorsque je réfléchissais au médiocre emploi que généralement nous faisons de toutes ces facultés, quoique notre intelligence