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J’ai été dans toutes les circonstances de ma vie un exemple vivant de ceux qui sont atteints de cette plaie générale de l’humanité, d’où découle gratuitement la moitié de leurs misères : j’entends la plaie de n’être point satisfaits de la position où Dieu et la nature les ont placés. Car sans parler de mon état primitif et de mon opposition aux excellents conseils de mon père, opposition qui fut, si je puis l’appeler ainsi, mon péché originel, n’était-ce pas un égarement de même nature qui avait été l’occasion de ma chute dans cette misérable condition ? Si cette Providence qui m’avait si heureusement établi au Brésil comme planteur eût limité mes désirs, si je m’étais contenté d’avancer pas à pas, j’aurais pu être alors, j’entends au bout du temps que je passai dans mon île, un des plus grands colons du Brésil ; car je suis persuadé, par les progrès que j’avais faits dans le peu d’années que j’y vécus et ceux que j’aurais probablement faits si j’y fusse demeuré, que je serais devenu riche à cent mille Moidoires.