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grande consommation, une petite bouteille de rum, une moitié de chèvre, de la poudre et du plomb pour m’en procurer davantage, et deux grandes houppelandes, de celles dont j’ai déjà fait mention et que j’avais trouvées dans les coffres des matelots. Je les pris, l’une pour me coucher dessus et l’autre pour me couvrir pendant la nuit.

Ce fut le 6 novembre, l’an sixième de mon Règne ou de ma Captivité, comme il vous plaira, que je me mis en route pour ce voyage, qui fut beaucoup plus long que je ne m’y étais attendu ; car, bien que l’île elle-même ne fût pas très-large, quand je parvins à sa côte orientale, je trouvai un grand récif de rochers s’étendant à deux lieues en mer, les uns au-dessus, les autres en dessous l’eau, et par-delà un banc de sable à sec qui se prolongeait à plus d’une demi-lieue ; de sorte que je fus obligé de faire un grand détour pour doubler cette pointe.

Quand je découvris ce récif, je fus sur le point de renoncer à mon entreprise et de rebrousser chemin, ne sachant pas de combien il faudrait m’avancer au large, et par-dessus tout comment je pourrais revenir. Je jetai donc l’ancre, car je m’en étais fait une avec un morceau de grappin brisé que j’avais tiré du navire.

Ayant mis en sûreté ma pirogue, je pris mon mousquet, j’allai à terre, et je gravis sur une colline qui semblait commander ce cap. Là j’en découvris toute l’étendue, et je résolus de m’aventurer.

En examinant la mer du haut de cette éminence, j’apperçus un rapide, je dirai même un furieux courant qui portait à l’Est et qui serrait la pointe. J’en pris une ample connaissance, parce qu’il me semblait y avoir quelque péril, et qu’y étant une fois tombé, entraîné par sa violence, je ne pourrais plus regagner mon île. Vraiment, si je