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rais très-rarement oisif. Je répartissais régulièrement mon temps entre toutes les occupations quotidiennes que je m’étais imposées. Tels étaient premièrement mes devoirs envers Dieu et la lecture des Saintes-Écritures, auxquels je vaquais sans faute, trois fois par jour ; deuxièmement ma promenade avec mon mousquet à la recherche de ma nourriture, ce qui me prenait généralement trois heures de la matinée quand il ne pleuvait pas ; troisièmement l’arrangement, l’apprêt, la conservation et la cuisson de ce que j’avais tué ou pris pour ma subsistance. Tout ceci employait en grande partie ma journée. En outre, il doit être considéré que dans le milieu du jour, lorsque le soleil était à son zénith, la chaleur était trop accablante pour agir ; en sorte qu’on doit supposer que dans l’après-midi tout mon temps de travail n’était que de quatre heures environ, avec cette variante que parfois je changeais mes heures de travail et de chasse, c’est-à-dire que je travaillais dans la matinée et sortais avec mon mousquet sur le soir.

À cette brièveté du temps fixé pour le travail, veuillez ajouter l’excessive difficulté de ma besogne, et toutes les heures que, par manque d’outils, par manque d’aide et par manque d’habileté, chaque chose que j’entreprenais me faisait perdre. Par exemple je fus quarante-deux jours entiers à me façonner une planche de tablette dont j’avais besoin dans ma grotte, tandis que deux scieurs avec leurs outils et leurs tréteaux, en une demi-journée en auraient tiré six d’un seul arbre.

Voici comment je m’y pris : j’abattis un gros arbre de la largeur que ma planche devait avoir. Il me fallut trois jours pour le couper et deux pour l’ébrancher et en faire une pièce de charpente. À force de hacher et de tailler je