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qui survinrent les auraient gâtés, et m’auraient fait perdre mes meilleures provisions d’hiver : j’en avais au moins deux cents belles grappes. Je ne les eus pas plus tôt dépendues et transportées en grande partie à ma grotte, qu’il tomba de l’eau. Depuis le 14 il plut chaque jour plus ou moins jusqu’à la mi-octobre, et quelquefois si violemment que je ne pouvais sortir de ma grotte durant plusieurs jours.

Dans cette saison, l’accroissement de ma famille me causa une grande surprise. J’étais inquiet de la perte d’une de mes chattes qui s’en était allée, ou qui, à ce que je croyais, était morte ; et je n’y comptais plus, quand, à mon grand étonnement, vers la fin du mois d’août, elle revint avec trois petits. Cela fut d’autant plus étrange pour moi, que l’animal que j’avais tué avec mon fusil et que j’avais appelé chat sauvage, m’avait paru entièrement différent de nos chats d’Europe ; pourtant les petits minets étaient de la race domestique comme ma vieille chatte, et pourtant je n’avais que deux femelles : cela était bien étrange ! Quoi qu’il en soit, de ces trois chats il sortit une si grande postérité de chats, que je fus forcé de les tuer comme des vers ou des bêtes farouches, et de les chasser de ma maison autant que possible.

Depuis le 14 jusqu’au 26, pluie incessante, de sorte que je ne pus sortir ; j’étais devenu très-soigneux de me garantir de l’humidité. Durant cette emprisonnement, comme je commençais à me trouver à court de vivres, je me hasardai dehors deux fois : la première fois je tuai un bouc, et la seconde fois, qui était le 26, je trouvai une grosse tortue, qui fut pour moi un grand régal. Mes repas étaient réglés ainsi : à mon déjeuner je mangeai une grappe de raisin, à mon dîner un morceau de chèvre ou de tortue