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En second lieu, j’étais dans une grande pénurie de lumière ; sitôt qu’il faisait nuit, ce qui arrivait ordinairement vers sept heures, j’étais forcé de me mettre au lit. Je me ressouvins de la masse de cire vierge dont j’avais fait des chandelles pendant mon aventure d’Afrique ; mais je n’en avais point alors. Mon unique ressource fut donc quand j’eus tué une chèvre d’en conserver la graisse, et avec une petite écuelle de terre glaise, que j’avais fait cuire au soleil et dans laquelle je mis une mèche d’étoupe, de me faire une lampe dont la flamme me donna une lueur, mais une lueur moins constante et plus sombre que la clarté d’un flambeau.

Au milieu de tous mes travaux il m’arriva de trouver, en visitant mes bagages, un petit sac, qui, ainsi que je l’ai déjà fait savoir, avait été empli de grains pour la nourriture de la volaille à bord du vaisseau, — non pas lors de notre voyage, mais, je le suppose, lors de son précédent retour de Lisbonne. — Le peu de grains qui était resté dans le sac avait été tout dévoré par les rats, et je n’y voyais plus que de la baie et de la poussière ; or, ayant besoin de ce sac pour quelque autre usage, — c’était, je crois, pour y mettre de la poudre lorsque je la partageai de crainte du tonnerre, — j’allai en secouer la baie au pied du rocher, sur un des côtés de mes fortifications.

C’était un peu avant les grandes pluies mentionnées précédemment que je jetai cette poussière sans y prendre garde, pas même assez pour me souvenir que j’avais vidé là quelque chose. Quand au bout d’un mois, ou environ, j’aperçus quelques tiges vertes qui sortaient de terre ; j’imaginai d’abord que c’étaient quelques plantes que je ne connaissais point ; mais quels furent ma surprise et mon étonnement lorsque, peu de temps après, je vis environ dix ou douze